[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction , Action
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 5
Publié le 15/09/13 à 11:56:03 par Gregor
2.
Une odeur âpre de désinfectant emplit les narines de l'officier lorsqu'il pénétra dans la chambre. Il s'étonna de retrouver la même ambiance olfactive dans tous les lieux de soin que les Hommes avaient construits, sur Terre ou dans l'espace. La même froideur, la même sobriété, le même sentiment de vide se déclinait dans des endroits tous différents. Comme des écrins mettant en valeur les malades, les hôpitaux et les infirmeries rutilaient par leur simplicité.
Détournant les yeux de cette fade mise en scène, Flinn se concentra sur l'objet de sa visite. Assis dans son lit, le blessé qu'il avait recueillit semblait patienter sans hâte. Avec une certaine cruauté, le Naneyë songea que Guillhem de Choire - avant cet incident - ne devait pas répondre aux canons de la beauté qui avaient cours dans la plupart des grandes cités confédéré. Non qu'il fut affreusement laid ou difforme, mais davantage du fait qu'il émanait de sa personne une forme d'harmonie brisé, de construction inachevée. Le ton sanglant et flamboyant de sa chevelure courte jurait presque avec sa peau épaisse, où se dessinaient un réseau de ride précoce. Son nez brisé semblait trop gros sur une morphologie fine, presque androgyne. Sa bouche se tordit en un rictus désagréable, où l'ironie dégoulinait à grosses gouttes. Et le dernier oeil organique qu'avaient daigné lui laisser les cybernautes éclatait de malice et d'intelligence, le plissant en un trait épais où un vert sombre semblait luire dans la pénombre de la chambre médicale. Une odeur de sang planait dans la pièce, achevant de mettre Flinn mal à l'aise.
- C'est un honneur que de rencontrer mon sauveur.
Flinn songea que le ton de sa voix sonnait faux. Qu'il maîtrisait trop parfaitement chaque syllabe, chaque intonation, et que cette maîtrise donnait à cette phrase d'apparence anodine une coloration pénible, culpabilisante. Avec une adresse qui dissimula sa gêne, le Naneyë répondit :
- Je n'ai fait que mon travail, adjudant.
- Et j'en admire le résultat, commandant Flinn.
La pique fit sursauter Flinn. Il ne savait plus sur quel pied danser.
- Messire de Choire, je ne comprend pas ...
- A d'autres, mon commandant. Parlons franchement.
Un soufflet n'eut pas été plus douloureux pour Flinn. La bonne humeur de surface faisait place à une haine vicieuse, profonde. Il comprit rapidement qu'il serait risqué de trop ou de trop peu parler avec l'individu qu'il avait en face.
- Vous êtes en colère, adjudant. C'est légitime, après ce que vous avez dû traverser...
- Qu'en savez vous ? coupa froidement le jeune homme.
- Effectivement, je n'en sais rien.
- Et j'imagine que sauver un noble comme moi a tout d'une opération intéressante sur le plan du prestige et de la gloire militaire... Ne niez pas, mon commandant. Vous êtes connu comme tel. Un opportuniste à la recherche de la moindre occasion pour monter dans la hiérarchie, prendre du galon... Pour le moment, cela vous a plutôt bien réussi, c'est vrai...
Flinn serra les poings, mais resta lèvres closes. La provocation, évidente, n'était qu'une expression de la colère de la victime d'une vendetta stupide. Une vendetta qui lui avait coûté son corps et son honneur. Flinn, trop droit et trop évident, constituait une cible de choix pour cette colère. Résigné, l'officier acceptait cette tâche ingrate. Il avait vu le potentiel latent du jeune homme. Et la simple perspective d'une telle chance pour la Confédération méritait bien de souffrir un peu dans son ego.
- Et si vous me racontiez cette histoire, adjudant ?
Un sourire carnassier anima les lèvres de Guillhem de Choire.
- L'ours sort de sa tanière ? Mais vous avez raison, il est plus agréable d'être voyeur que victime. Beaucoup plus confortable...
- J'entends que vous soyez malheureux de votre sort, adjudant. Mais entendez également que je suis votre supérieur hiérarchique direct. Et que part ce fait, je n'entends pas que vous dépassiez certaines limites.
Le ton de Flinn ne souffrait aucune contestation. Le jeune homme le dévisagea de longue seconde, soupira, détourna son regard à l'opposé de son supérieur.
- C'est difficile, mon commandant. J'ai échoué dans ma mission.
- Et quelle était cette mission ?
L'esprit de Guillhem se perdit en souvenir de dorures et de fêtes sans fin, d'une jeunesse insouciante à l'ombre de son général de père. Comme un coup de vent, l'école militaire, les premières missions à l'extérieure du système solaire, toutes plus ennuyeuses et convenues les unes que les autres. Jusqu'ici, sur Barnard Prime, jusqu'à ce que son sang ne se répande sous les coups répétés d'une machette. Mauvais endroit, mauvais moment pour Guillhem de Choire. L'émotion étreignait sa gorge. Il sentait que sa voix défaillirait. Mais étrangement, il sentait qu'il pouvait faire confiance à ce commandant. Un alien certes, mais comme si quelque chose passait entre eux, au delà des mots. Un souvenir fugace s'approcha de la surface de sa conscience, mais replongea aussitôt dans les limbes de l'oubli. Ce quelque chose lui échappait. Guillhem soupira, puis se lança.
- Je devais accompagner une équipe scientifique. Une mission sans risque, du travail d'entomologie à distance de toute colonie humaine.
- Et les choses ne se sont pas passées comme prévue ...
- C'est le moins que l'on puisse dire. Cela faisait environ trois semaines standards que nous étions arrivés sur la planète lorsque nous avions dû retourner vers la plus proche colonie, pour assurer le réapprovisionnement en aliments. Nous ignorions alors ce qui se passait sur la colonie capitale. Alors que nous passions la seconde nuit dans un hébergement gérée par les armées, nous avons été attaqué par des rebelles. Des hérétiques libertaires qui n'ont pas cherché à comprendre si nous étions armés, si nous représentions une véritable menace. Les scientifiques ont tenté de parlementer, ils ont gagné une balle en pleine tête chacun. Quant à moi ...
Sa voix s'éteignit.
- Mon père, le général Alfred de Choire, s'était assuré qu'il n'y avait aucun risque. Il pensait me revoir quelques semaines plus tard... Cela a dû lui faire un choc d'apprendre que j'avais disparu.
- Nous ferrons le nécessaire pour le prévenir, promit Flinn. Mais je vous en prie, adjudant. Continuez votre récit.
- Est-ce bien nécessaire ?
- Vous tenez peut-être l'occasion de vous venger.
- En êtes vous certain, commandant ?
- Si j'en apprenais plus sur vos ravisseurs, je suis sûr que nous pourrons les retrouver. Ils devront sortir de leur forêt à un moment où un autre. Et nous devons nous tenir prêt à agir.
- Bien sûr ...
A nouveau, Guillhem marqua un temps de pause.
- Il faisait nuit. Ils avaient des brouilleurs, je n'ai même pas pû lancer un semblant de SOS. Et plus tard, j'ai appris que les quelques forces militaire de la colonie avaient été massacrées. Je n'aurais rien pû faire... Il faisait nuit, ils m'ont mis un sac sur la tête, et ils se sont enfoncés dans la forêt. Je le sais car j'entendais les animaux et les bruits de la nuit, comme ceux qui entouraient le camp des scientifique. Nous avons marché longtemps, très longtemps. Je n'ai pas réussi à savoir combien de temps, mais lorsqu'ils se sont arrêté pour de bon, je me suis retrouvé dans une grotte. J'étais seul, il faisait presque froid. Ils m'ont laissé dépérir, avant de décider que je pouvais constituer une menace. Un des hommes, le chef je présume, m'a alors clairement dit que je ne repartirai pas vivant de Barnard Prime. Que je serais le prétexte de leur violence envers la Confédération pour tous les hommes morts dans leur lutte contre le Dieu-Machine.
- Et ils ont commencé leur sévices.
Un voile passa dans le seul oeil organique du jeune sous-officier.
- Ils avaient des machettes. Légèrement courbes, pleines de rouilles. Ils n'ont pas attendu pour me dire que cela serait long, très long. Ils ont pris leur temps... Ils ont tranché, petit à petit. Les doigts, la main, le bras. Ils ne prenaient pas la peine de me soigner correctement. Tout ce qu'ils faisaient, c'était mettre un garrot pour ne pas que je me vide, pour que je puisse continuer à souffrir. J'ai souvent perdu conscience, je me réveillais lorsqu'ils reprenaient leur torture. Ils ont pris mon bras, ils ont pris ma jambe de la même façon. Mais cela ne leur suffisait pas. Ils riaient. Ils me crachaient dessus... Et puis quand je n'avais plus la force de crier, de pleurer ou de prier le Dieu-Machine d'abréger mes souffrance, l'un d'entre eux a pris une cuiller. Il m'a regardé longtemps, il a dit " tu n'auras plus l'occasion de voir grand chose, alors regarde moi bien, et dis à ton dieu menteur que ses serviteurs doivent cesser d'être aveugle".
Le jeune homme passa une main mécanique sur son oeil robotique. Il eut l'impression de caresser le mirage d'un miracle.
- Ils m'ont laissé saigner, comme un porc. Ils m'ont apporté de l'eau et des rations, m'ont gavés de force. Ils m'ont répété que je ne mourrais pas, pas encore au moins. Petit à petit, je ne savais plus où se tenait la réalité. J'ai rêvé ma torture et vécu des jours heureux de mon enfance, des siècles remplaçant les secondes. J'avais l'impression parfois, d'entendre ces chiens d'hérétiques. Ils parlaient sans être là, leur voix résonnait contre les murs de la grotte. Ils parlaient de leur cabane, de l'avancée des Externes. Je compris que je délirais, que j'allais bientôt vivre la fin de mon agonie... Quand j'ai réellement repris conscience, il n'y avait plus de grotte. Juste ce lit, un cybernaute qui souriait à mes côtés.
- Ils vous ont remis en état plus vite qu'ils ne l'imaginaient, adjudant. Presque moitié moins de temps que les protocoles standards.
- Je m'en serais bien passé, commandant.
Avec une curiosité qu'il trouvait écœurante, Guillhem scruta ses mains, retira le drap qui le couvrait, faisant jouer les articulations de ses jambes.
- J'ai failli à ma mission, et on m'a récompensé. Cela n'a pas de sens, commandant. Je ne mérite aucun honneur, et me voilà promu à un rang qu'on réserve aux héros...
- Regrettez-vous d'être toujours en vie, adjudant ?
Guillhem remit les draps sur ses jambes, et s'affalla dans le lit.
- Que dira mon père quand il apprendra que je suis toujours vivant ?
- Je suis sûr qu'il sera très heureux...
Un sourire triste anima les lèvres du jeune homme.
- Vous ne le connaissez pas, commandant. Je serais sa honte. Son fils qui n'a pas sû suivre sa trace. Je n'ai pas son courage, ni sa bravoure.
- Mais vous avez eu l'intelligence de rester vivant suffisament longtemps là où personne n'aurait survécu. Cela ne vous trouble pas ?
- Comment ça, commandant ?
Flinn, jusqu'alors debout, s'installa dans une chaise disposé au pied du lit.
- Les cybernautes qui vous ont remis d'aplomb sont catégoriques. Personne, absolument personne, n'aurait pu survivre avec les blessures que vous aviez. Et vue l'ancienneté des plaies sur vos ... bras et votre jambe, il est probable que vous avez été tortué depuis au moins trois, peut-être quatre semaine.
Guillhem blêmit.
- Mais, commandant Flinn, c'est totalement impossible.
- Cela le serait pour quelqu'un à la condition physique normale.
Le sous-officier s'emporta d'un rire presque hystérique. alors qu'il se calmait, il reprit.
- Commandant, vous avez bien vu ma carrure avant que les cybernautes ne me ... réparent. J'étais maigre, sans endurance. J'avais une santé relativement précaire.
- Des problèmes d'infections ?
- Rarement, et jamais très longtemps. Mais ...
- Des fractures ?
- Un bras cassé à l’adolescence. Les médecins s'étaient même étonne que ...
Une lueur passa dans son regard.
- Attendez commandant. Qu'est ce que cela veut dire ?
- Avec un père capable de vous prodiguer les meilleurs soins dès que vous en aviez besoin et peu de problèmes réels potentiellement mortels, cela ne m'étonne pas que cela n'ai été remarqué. Mais vu l'état dans lequel vous êtes arrivé à bord de l'Ankara... Les cybernautes ont procédés à une batterie de test et d'analyse en tout genre. Et devinez ce qu'ils ont trouvé ?
- Je ne sais pas.
- Des nanites présente dans votre sang.
Une odeur âpre de désinfectant emplit les narines de l'officier lorsqu'il pénétra dans la chambre. Il s'étonna de retrouver la même ambiance olfactive dans tous les lieux de soin que les Hommes avaient construits, sur Terre ou dans l'espace. La même froideur, la même sobriété, le même sentiment de vide se déclinait dans des endroits tous différents. Comme des écrins mettant en valeur les malades, les hôpitaux et les infirmeries rutilaient par leur simplicité.
Détournant les yeux de cette fade mise en scène, Flinn se concentra sur l'objet de sa visite. Assis dans son lit, le blessé qu'il avait recueillit semblait patienter sans hâte. Avec une certaine cruauté, le Naneyë songea que Guillhem de Choire - avant cet incident - ne devait pas répondre aux canons de la beauté qui avaient cours dans la plupart des grandes cités confédéré. Non qu'il fut affreusement laid ou difforme, mais davantage du fait qu'il émanait de sa personne une forme d'harmonie brisé, de construction inachevée. Le ton sanglant et flamboyant de sa chevelure courte jurait presque avec sa peau épaisse, où se dessinaient un réseau de ride précoce. Son nez brisé semblait trop gros sur une morphologie fine, presque androgyne. Sa bouche se tordit en un rictus désagréable, où l'ironie dégoulinait à grosses gouttes. Et le dernier oeil organique qu'avaient daigné lui laisser les cybernautes éclatait de malice et d'intelligence, le plissant en un trait épais où un vert sombre semblait luire dans la pénombre de la chambre médicale. Une odeur de sang planait dans la pièce, achevant de mettre Flinn mal à l'aise.
- C'est un honneur que de rencontrer mon sauveur.
Flinn songea que le ton de sa voix sonnait faux. Qu'il maîtrisait trop parfaitement chaque syllabe, chaque intonation, et que cette maîtrise donnait à cette phrase d'apparence anodine une coloration pénible, culpabilisante. Avec une adresse qui dissimula sa gêne, le Naneyë répondit :
- Je n'ai fait que mon travail, adjudant.
- Et j'en admire le résultat, commandant Flinn.
La pique fit sursauter Flinn. Il ne savait plus sur quel pied danser.
- Messire de Choire, je ne comprend pas ...
- A d'autres, mon commandant. Parlons franchement.
Un soufflet n'eut pas été plus douloureux pour Flinn. La bonne humeur de surface faisait place à une haine vicieuse, profonde. Il comprit rapidement qu'il serait risqué de trop ou de trop peu parler avec l'individu qu'il avait en face.
- Vous êtes en colère, adjudant. C'est légitime, après ce que vous avez dû traverser...
- Qu'en savez vous ? coupa froidement le jeune homme.
- Effectivement, je n'en sais rien.
- Et j'imagine que sauver un noble comme moi a tout d'une opération intéressante sur le plan du prestige et de la gloire militaire... Ne niez pas, mon commandant. Vous êtes connu comme tel. Un opportuniste à la recherche de la moindre occasion pour monter dans la hiérarchie, prendre du galon... Pour le moment, cela vous a plutôt bien réussi, c'est vrai...
Flinn serra les poings, mais resta lèvres closes. La provocation, évidente, n'était qu'une expression de la colère de la victime d'une vendetta stupide. Une vendetta qui lui avait coûté son corps et son honneur. Flinn, trop droit et trop évident, constituait une cible de choix pour cette colère. Résigné, l'officier acceptait cette tâche ingrate. Il avait vu le potentiel latent du jeune homme. Et la simple perspective d'une telle chance pour la Confédération méritait bien de souffrir un peu dans son ego.
- Et si vous me racontiez cette histoire, adjudant ?
Un sourire carnassier anima les lèvres de Guillhem de Choire.
- L'ours sort de sa tanière ? Mais vous avez raison, il est plus agréable d'être voyeur que victime. Beaucoup plus confortable...
- J'entends que vous soyez malheureux de votre sort, adjudant. Mais entendez également que je suis votre supérieur hiérarchique direct. Et que part ce fait, je n'entends pas que vous dépassiez certaines limites.
Le ton de Flinn ne souffrait aucune contestation. Le jeune homme le dévisagea de longue seconde, soupira, détourna son regard à l'opposé de son supérieur.
- C'est difficile, mon commandant. J'ai échoué dans ma mission.
- Et quelle était cette mission ?
L'esprit de Guillhem se perdit en souvenir de dorures et de fêtes sans fin, d'une jeunesse insouciante à l'ombre de son général de père. Comme un coup de vent, l'école militaire, les premières missions à l'extérieure du système solaire, toutes plus ennuyeuses et convenues les unes que les autres. Jusqu'ici, sur Barnard Prime, jusqu'à ce que son sang ne se répande sous les coups répétés d'une machette. Mauvais endroit, mauvais moment pour Guillhem de Choire. L'émotion étreignait sa gorge. Il sentait que sa voix défaillirait. Mais étrangement, il sentait qu'il pouvait faire confiance à ce commandant. Un alien certes, mais comme si quelque chose passait entre eux, au delà des mots. Un souvenir fugace s'approcha de la surface de sa conscience, mais replongea aussitôt dans les limbes de l'oubli. Ce quelque chose lui échappait. Guillhem soupira, puis se lança.
- Je devais accompagner une équipe scientifique. Une mission sans risque, du travail d'entomologie à distance de toute colonie humaine.
- Et les choses ne se sont pas passées comme prévue ...
- C'est le moins que l'on puisse dire. Cela faisait environ trois semaines standards que nous étions arrivés sur la planète lorsque nous avions dû retourner vers la plus proche colonie, pour assurer le réapprovisionnement en aliments. Nous ignorions alors ce qui se passait sur la colonie capitale. Alors que nous passions la seconde nuit dans un hébergement gérée par les armées, nous avons été attaqué par des rebelles. Des hérétiques libertaires qui n'ont pas cherché à comprendre si nous étions armés, si nous représentions une véritable menace. Les scientifiques ont tenté de parlementer, ils ont gagné une balle en pleine tête chacun. Quant à moi ...
Sa voix s'éteignit.
- Mon père, le général Alfred de Choire, s'était assuré qu'il n'y avait aucun risque. Il pensait me revoir quelques semaines plus tard... Cela a dû lui faire un choc d'apprendre que j'avais disparu.
- Nous ferrons le nécessaire pour le prévenir, promit Flinn. Mais je vous en prie, adjudant. Continuez votre récit.
- Est-ce bien nécessaire ?
- Vous tenez peut-être l'occasion de vous venger.
- En êtes vous certain, commandant ?
- Si j'en apprenais plus sur vos ravisseurs, je suis sûr que nous pourrons les retrouver. Ils devront sortir de leur forêt à un moment où un autre. Et nous devons nous tenir prêt à agir.
- Bien sûr ...
A nouveau, Guillhem marqua un temps de pause.
- Il faisait nuit. Ils avaient des brouilleurs, je n'ai même pas pû lancer un semblant de SOS. Et plus tard, j'ai appris que les quelques forces militaire de la colonie avaient été massacrées. Je n'aurais rien pû faire... Il faisait nuit, ils m'ont mis un sac sur la tête, et ils se sont enfoncés dans la forêt. Je le sais car j'entendais les animaux et les bruits de la nuit, comme ceux qui entouraient le camp des scientifique. Nous avons marché longtemps, très longtemps. Je n'ai pas réussi à savoir combien de temps, mais lorsqu'ils se sont arrêté pour de bon, je me suis retrouvé dans une grotte. J'étais seul, il faisait presque froid. Ils m'ont laissé dépérir, avant de décider que je pouvais constituer une menace. Un des hommes, le chef je présume, m'a alors clairement dit que je ne repartirai pas vivant de Barnard Prime. Que je serais le prétexte de leur violence envers la Confédération pour tous les hommes morts dans leur lutte contre le Dieu-Machine.
- Et ils ont commencé leur sévices.
Un voile passa dans le seul oeil organique du jeune sous-officier.
- Ils avaient des machettes. Légèrement courbes, pleines de rouilles. Ils n'ont pas attendu pour me dire que cela serait long, très long. Ils ont pris leur temps... Ils ont tranché, petit à petit. Les doigts, la main, le bras. Ils ne prenaient pas la peine de me soigner correctement. Tout ce qu'ils faisaient, c'était mettre un garrot pour ne pas que je me vide, pour que je puisse continuer à souffrir. J'ai souvent perdu conscience, je me réveillais lorsqu'ils reprenaient leur torture. Ils ont pris mon bras, ils ont pris ma jambe de la même façon. Mais cela ne leur suffisait pas. Ils riaient. Ils me crachaient dessus... Et puis quand je n'avais plus la force de crier, de pleurer ou de prier le Dieu-Machine d'abréger mes souffrance, l'un d'entre eux a pris une cuiller. Il m'a regardé longtemps, il a dit " tu n'auras plus l'occasion de voir grand chose, alors regarde moi bien, et dis à ton dieu menteur que ses serviteurs doivent cesser d'être aveugle".
Le jeune homme passa une main mécanique sur son oeil robotique. Il eut l'impression de caresser le mirage d'un miracle.
- Ils m'ont laissé saigner, comme un porc. Ils m'ont apporté de l'eau et des rations, m'ont gavés de force. Ils m'ont répété que je ne mourrais pas, pas encore au moins. Petit à petit, je ne savais plus où se tenait la réalité. J'ai rêvé ma torture et vécu des jours heureux de mon enfance, des siècles remplaçant les secondes. J'avais l'impression parfois, d'entendre ces chiens d'hérétiques. Ils parlaient sans être là, leur voix résonnait contre les murs de la grotte. Ils parlaient de leur cabane, de l'avancée des Externes. Je compris que je délirais, que j'allais bientôt vivre la fin de mon agonie... Quand j'ai réellement repris conscience, il n'y avait plus de grotte. Juste ce lit, un cybernaute qui souriait à mes côtés.
- Ils vous ont remis en état plus vite qu'ils ne l'imaginaient, adjudant. Presque moitié moins de temps que les protocoles standards.
- Je m'en serais bien passé, commandant.
Avec une curiosité qu'il trouvait écœurante, Guillhem scruta ses mains, retira le drap qui le couvrait, faisant jouer les articulations de ses jambes.
- J'ai failli à ma mission, et on m'a récompensé. Cela n'a pas de sens, commandant. Je ne mérite aucun honneur, et me voilà promu à un rang qu'on réserve aux héros...
- Regrettez-vous d'être toujours en vie, adjudant ?
Guillhem remit les draps sur ses jambes, et s'affalla dans le lit.
- Que dira mon père quand il apprendra que je suis toujours vivant ?
- Je suis sûr qu'il sera très heureux...
Un sourire triste anima les lèvres du jeune homme.
- Vous ne le connaissez pas, commandant. Je serais sa honte. Son fils qui n'a pas sû suivre sa trace. Je n'ai pas son courage, ni sa bravoure.
- Mais vous avez eu l'intelligence de rester vivant suffisament longtemps là où personne n'aurait survécu. Cela ne vous trouble pas ?
- Comment ça, commandant ?
Flinn, jusqu'alors debout, s'installa dans une chaise disposé au pied du lit.
- Les cybernautes qui vous ont remis d'aplomb sont catégoriques. Personne, absolument personne, n'aurait pu survivre avec les blessures que vous aviez. Et vue l'ancienneté des plaies sur vos ... bras et votre jambe, il est probable que vous avez été tortué depuis au moins trois, peut-être quatre semaine.
Guillhem blêmit.
- Mais, commandant Flinn, c'est totalement impossible.
- Cela le serait pour quelqu'un à la condition physique normale.
Le sous-officier s'emporta d'un rire presque hystérique. alors qu'il se calmait, il reprit.
- Commandant, vous avez bien vu ma carrure avant que les cybernautes ne me ... réparent. J'étais maigre, sans endurance. J'avais une santé relativement précaire.
- Des problèmes d'infections ?
- Rarement, et jamais très longtemps. Mais ...
- Des fractures ?
- Un bras cassé à l’adolescence. Les médecins s'étaient même étonne que ...
Une lueur passa dans son regard.
- Attendez commandant. Qu'est ce que cela veut dire ?
- Avec un père capable de vous prodiguer les meilleurs soins dès que vous en aviez besoin et peu de problèmes réels potentiellement mortels, cela ne m'étonne pas que cela n'ai été remarqué. Mais vu l'état dans lequel vous êtes arrivé à bord de l'Ankara... Les cybernautes ont procédés à une batterie de test et d'analyse en tout genre. Et devinez ce qu'ils ont trouvé ?
- Je ne sais pas.
- Des nanites présente dans votre sang.
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